Un article de presse fait scandale

Chère Collègue,

Puisqu'il s'agit d'une tradition dans notre profession, et cette tradition me convenant tout à fait, tu voudras bien pardonner cette manière qu'on pourrait qualifier de cavalière qui consiste à employer le tutoiement d'office.. .Je ressens également une forme d'affinités électives avec toi en ce moment, pour des raisons que ce texte te fera toucher du doigt.
J'ai suivi avec bonheur et une certaine forme de jubilation ou de soulagement l'interview que tu as donnée à BfmTV lundi 13 Avril dernier. Je l'ai réécoutée avec une attention redoublée plusieurs fois sur internet.

Depuis bientôt dix ans, je suis prof de musique sur deux collèges classés ZEP, à Châlons en Champagne et dans sa (petite) banlieue, désormais REP, et je suis en ce moment en arrêt maladie pour dépression pour une période que j'espère longue, à la suite d'un enchaînement de faits dont voici le détail.

Je ne te fais pas de dessin sur les tensions qu'engendre notre engagement professionnel, qui confine chez moi à la mission, au sacerdoce laïque : je suis intimement persuadé d'enseigner la matière la plus importante du monde, qui peut précisément le changer, ce monde. J'ai d'ailleurs écrit à ce sujet un ouvrage que seuls mes proches ont lu.
Dans les couloirs du collège, tu louvoies entre les élèves, il est évident dans leur esprit que c'est toi qui dois te pousser pour les laisser passer, faute de quoi tu les heurtes, ce qui peut amener ces fameuses « incivilités » (Ah.. .Le charme discret de l'euphémisme...), qui aboutissent à leur tour à des dérapages potentiels rapides plus ou moins graves, sous forme d'agressions verbales ou limite physiques, ou au moins à des regards noirs appuyés, du genre « Qu'ess t'as toi t'as un problème ?... »

Au cours du premier trimestre, au mois d'octobre, dans l'un des deux collèges où je suis en poste, et dont je dépends administrativement, l'une de nos collègues, professeur d'anglais, se fait agresser physiquement par un élève dans le couloir avant l'entrée en classe, en présence du C.P .E. , qui n'intervient pas, ou disons, plus que mollement.
La chape de plomb est telle dans ce collège, que nous ne serons mis au courant qu'une semaine après, et par la bande, en quelque sorte, c'est-à-dire sans « annonce officielle » de la part du chef d'établissement. Pas de vagues, pas de vagues...
Nous, ses collègues, ne faisons rien. Pas de refus symbolique de prendre une classe ne serait-ce que pendant une heure, pas de communication ni aux parents, ni à la presse. Il est bien évident que les choses se savent, mais clandestinement pour ainsi dire. Tant que le scandale n'est pas public, ma foi, dormons tranquilles...
L'élève en question passe en conseil de discipline, puis est exclu définitivement.
Moi-même, je suis amené à déposer deux mains courantes contre des élèves, l'une pour menaces, l'autre pour insultes. Lors de la rencontre entre le père, l'élève qui m'a menacé, le principal et moi , un assistant d'éducation et le principal sont contraints de s'interposer entre eux et moi avant que nous n'en venions aux mains, ou du moins que je me fasse agresser physiquement par le père...

On remarquera au passage que lorsque nous, enseignants, sommes mis en cause, pour, comme tu le dis toi-même, par exemple un « regard de dix secondes », on nous convoque au commissariat, la garde à vue ou le tribunal n'est pas loin, ce qui revient à dire que pour nous, c'est une plainte directe, pour les élèves une simple main courante.
Comme tous les profs, je suis amené, pour rétablir un semblant de calme dans la classe, à élever la voix en de multiples circonstances au cours d'une heure. J'ai décidé d'arrêter cette pratique, ne serait-ce que pour préserver ma voix et mes nerfs, et, étant doté de sens de l'humour et de la répartie, je préfère une remarque acerbe à un hurlement. Que ne fais-je pas là, on le verra par la suite...

Nous parvenons, le 6 décembre dernier, soit deux mois (!!!) après l'agression physique de notre collègue, à organiser une réunion syndicale de façon à rédiger un cahier de doléances face aux différentes dérives constatées. Nous établissons une longue liste de mesures à appliquer d'urgence, dont aucune ou presque, comme c'était prévisible, ne sera retenue. La seule consistera à noter sur le billet d'appel que tel élève ne possède pas son carnet de liaison...
Il va sans dire que nous sommes tous soit dans la difficulté, soit dans la souffrance, et que nous remplissons tous quotidiennement des rapports d'incidents pieusement déposés à la vie scolaire, rapports suivis d'aucun effet. Quelques dizaines d'élèves en possèdent une belle collection. Naturellement, aucune sanction, ou presque...

Par exemple, à l'entrée en cours avec une classe de 6ème, j'ai été amené à séparer physiquement deux élèves qui se tapaient sur la figure à coups de poing, pas à coups de gifles, à coups de poing fermé, comme des boxeurs. Leur seule sanction, décidée par la principale-adjointe, a été de passer une heure de retenue assis l'un à côté de l'autre pour se réconcilier.
Lors de cette réunion, donc, est présent un assistant d'éducation, qui se trouve également être pigiste au journal local, l'Union.
Nous sommes en train de la clôturer, lorsque j'évoque la possibilité d'une action même symbolique concernant l'agression de notre collègue. Je me fais violemment prendre à partie par une autre collègue, qui, très proche de cette prof d'anglais, qu'elle a au téléphone quotidiennement, m'indique « qu'elle refuse qu'on fasse quoi que ce soit en son nom... ». De toute façon, deux mois après, il est un peu tard.
Ulcéré par cette lâcheté, je dis à cet assistant d'éducation, que s'il désire faire un article à ce sujet, je suis volontaire pour y participer.

Je suis convoqué quelque temps plus tard par mon chef d'établissement au sujet de plaintes de certains parents à mon sujet. Je les insulterais, et tiendrais des propos à sous-entendus racistes. Je t'en explique la teneur brièvement.
Je les aurais traité de « Bouboule » (?) , de « Gros blaireau », et surtout, à plusieurs reprises, j'ai employé des formules envers certains élèves, dont particulièrement l'une d'entre elles, qui est la suivante, alors que ledit élève de 6C11e est en train de faire le petit caïd de banlieue, debout devant sa table, avec toute la gestuelle de gansta rap que tu connais bien: « T'arrête de rouler ta caisse, t'es épais comme une biscotte mal cuite ! ... ».
En y réfléchissant, j'ai repris une à une chacune de ces expressions. Bouboule, évidemment, je ne l'ai jamais dit, j'essaie généralement de faire preuve de plus d'esprit dans mon discours, mais quelle heureuse proximité avec le mot bougnoule, dis donc... Concernant Gros blaireau j'ai effectivement envoyé un élève au tableau pour l'écrire. Une fois cela fait, j'ai bien posé la question à la classe : « S'agit-il d'une insulte ?...Évidemment, non... ». Il se trouve qu'à ce moment du trimestre, nous étions en train d'étudier Maurice Ravel, et que, humour oblige, je me suis cru autorisé à utiliser ce calembour, qui n'est d'ailleurs pas de moi mais du directeur du conservatoire, le gros blaireau de Ravel...
Quant à la dernière remarque, que j'emploie régulièrement, quelle que soit la couleur de la peau, qu'en retient un élève arabe, lorsqu'il est décidé à trouver le pire du n'importe quoi dans le domaine de la mauvaise foi pour nuire à un enseignant ? Pas le mot « épais », évidemment, mais le « mal cuite », donc sous-entendu raciste... Il se trouve que l'élève de 6éme à qui je l'ai adressée, est le frère de celui contre lequel j'ai déposé plainte pour menaces.. Belle coïncidence...
Lors de cet entretien, mon chef d'établissement me dit qu' « aujourd'hui, on ne peut plus dire des choses comme ça... ». La prochaine fois, j'interrogerai donc le Commissaire du Peuple des Elèves et de Leurs Parents sur ce que j'ai le droit de dire ou pas...

Je commence, un peu avant les vacances de février, à recevoir chez moi des coups de fil anonymes, se traduisant au mieux par un silence complet, au pire par un chapelet d'insultes dont je te laisse deviner la teneur. J'ai toujours refusé de me mettre sur liste rouge, considérant cette pratique comme une forme de défaite.
Je n'en fais part à personne au collège, puisque, après tout, je l'ai bien cherché...
Arrivent les rencontres parents profs du deuxième trimestre. Je pose la question à chacun des parents passant me voir, sur l'identité de ceux qui se plaignent de moi, et je finis par tomber, par hasard, sur deux de ceux qui sont à l'origine des plaintes. Par parenthèses, il s'agit de représentants de parents F.C.P.E. Charmant...
Evidemment, ça ne se passe pas vraiment bien. Une mère d'élève m'affirme, avec le grand sourire qu'on adresse aux gens un peu déséquilibrés mentaux: « Mais, Monsieur Genestin si vous voulez du respect de la part de vos élèves, il faut en avoir pour eux... » On croit rêver..
Le même jour, j'avais trouvé dans mon casier, un document m'avertissant de la prochaine visite de l'inspectrice, pour le mercredi 18 Février. Le midi, le chef d'établissement vient à la cantine.. « Vous avez vu monsieur Genestin le document que je vous ai mis dans votre casier..? » Je lui rétorque: « J'ai du mal à croire à une coïncidence entre les problèmes que je peux rencontrer avec une ultra minorité de parents et cette visite !... Vous cherchez quoi, que mon collègue et moi démissionnions ?...» Il sort de la cantine, prend la fuite plutôt, en criant: « J'ai envie de manger tranquille !.. ».A mon avis, lapsus intéressant, pas que manger...

Dans ce collège, nous sommes deux profs de musique. Mon collègue est une crème d'homme, très croyant, manifeste une forme de foi qui me plaît bien, il est diacre, incapable de la moindre méchanceté, et que je considère, c'est réciproque, comme un ami. Comme le dit Jacques Brel, si « nous ne sommes pas du même bord, nous cherchons le même port ». Je savais que depuis plusieurs mois, si ce n'est plusieurs années, il supportait de moins en moins bien les élèves, et évoquait sa démission. J'en étais moi-même, et j'y suis toujours, à son bord.. .Mais pour faire quoi ? Qui veut d'un musicien de 53 ans ?...
Simultanément, un projet de classe à horaires aménagés, concernant les élèves instrumentistes du centre ville, était en cours de montage dans le collège. Ce projet, conçu sur le principe de la mixité sociale, correspond tout à fait à mes options philosophiques et professionnelles personnelles. Mon collègue était chargé de la coordination et de la responsabilité de cette classe, puisqu'il est agrégé, et pas moi...
Ce jour était un jeudi, le 12 Février. Ce même jour donc, j'apprends mon inspection et le soir ce sont ces rencontres parents-profs qui se sont déroulées comme on sait. Les vacances allaient arriver. On peut imaginer mon état psychologique, après plusieurs mois d'affrontements, en gros, avec tout le monde, ces rencontres et cette annonce d'inspection, lorsque je suis rentré chez moi ce jeudi-là....
Au bout du bout du bout, je décide donc, à l'initiative de mon épouse, de consulter. Mon médecin me donne antidépresseurs, anxiolytiques et somnifères.. La totale...

Mon inspection se déroule très bien: je suis bourré de chimie... Pendant l'entretien, long (deux heures) et très cordial, l'inspectrice ne me fait aucun reproche particulier sur le fond de mon cours me disant que « j'étais dans les clous » et que « j'avais bien respecté les recommandations de sa précédente visite » que j'avais pratiqué, selon les indications des nouvelles instructions datant du mois précédent, « l'écouter-produire ». Bien...
Cependant, elle m'annonce elle-même que les plaintes me concernant avaient fait l'objet d'un courrier à l'Inspection d'Académie, sans m'en faire reproche d'ailleurs. Mon chef d'établissement pouvait difficilement ne pas être au courant, s'il n'a pas plus ou moins suggéré ou soutenu lui-même l'envoi de cette missive... II a donc volontairement, dans un esprit de sanction supplémentaire, la première étant l'inspection elle-même, laissé l'inspectrice me l'annoncer. Impossible de prouver quoi que ce soit, bien sûr, et je ne peux que me perdre en conjectures ou hypothèses certes plausibles mais incertaines à ce sujet.

Lundi matin 9 Mars, retour de ces vacances. Nos apprenons, dans les mêmes conditions que pour l'agression de notre collègue, c'est-à-dire par hasard (Pas de vagues, pas de vagues...), qu'un de nos élèves, certes en dehors du collège, certes pendant les vacances, s'était fait agresser au poing américain, par deux autres élèves du collège. Mais c'est quelque chose qui pourrait très bien se produire dans le collège, et visant n'importe qui, adultes ou élèves...

Mardi 17 Mars, je reçois un coup de fil d'une journaliste de l'Union, qui me demande s'il est possible que « dans le cadre d'un article de fond sur les problèmes actuels de violence dans les établissements scolaires » nous nous rencontrions le jour même, car, et je comprendrai une semaine après les raisons de cette urgence, « l'article devait paraître assez rapidement », à savoir le jeudi suivant 19 Mars.
Nous nous rencontrons donc le même jour, et lui demande pourquoi elle avait pensé à moi spécialement pour cet article. Elle me répond qu'elle a « des contacts » à l'intérieur de l'établissement. Je sais parfaitement, ce n'est pas bien compliqué, de qui il s'agit...
Je tiens des propos exactement similaires aux tiens sur BfmTV, dans le fond et dans la forme, ce qui n'a pas manqué de me troubler d'ailleurs.
Elle me demande si elle peut citer mon nom, ce que je lui accorde volontiers, n'ayant pas l'habitude de témoigner anonymement.
Cette journaliste m'apprend qu'elle avait été contactée par la mère de l'élève agressé, me montre les photos couleur de cet élève prises par la grand-mère juste après l'agression, on s'en doute, une vraie boucherie, et m'assure que son article paraîtra, c'est pour moi implicite, dans les pages intérieures, et, comme elle s'y engage, uniquement dans l'édition régionale du journal, qui doit en comporter quatre ou cinq, ou plus, je ne sais pas, du nord au sud de la région, des limites de la France avec la Belgique jusqu'à celles du département de la Marne avec l'Aube. Ca fait du monde...
Le jeudi 19 mars je suis en grève, le 20 je ne suis pas au collège, et je n'achète jamais ce journal.

J'arrive donc le lundi matin 23 mars, et constate que tout le monde me dit plus ou moins bonjour en faisant la gueule. Je me doutais bien que cet article ferait des vagues, mais à ce point... Dans la salle des profs, où règne contrairement à l'ambiance habituelle de ruche, un silence à ne pas troubler le sommeil d'une mouche, je m'approche de la principale-adjointe à qui je dis bonjour en lui tendant la main, qui m'octroie en me fusillant du regard un cinglant : « Bonjour Monsieur Genestin! ». Elle refuse de me la serrer.
Je regarde dans mon casier, et trouve une photocopie de la une du journal barrée d'un gros titre « Situation explosive au Collège Louis Grignon » ou quelque chose d'approchant, illustrée de la photo heureusement en noir et blanc des résultats de l'agression du gamin, photocopie naturellement très généreusement distribuée dans chaque casier de prof.... En page intérieure, un nouveau titre avec le complément: « Michel Genestin dénonce », le tout dans chacune des différentes éditions régionales.
Mes propos sont retranscrits fidèlement, là-dessus rien à dire. Mais l'amalgame du gros titre et de la photo, sensationnaliste et vomitoire à souhait, et de mon nom et du verbe me fait prendre conscience de l'étendue des dégâts. Le principal m'attend dans la cour et devant les élèves me fait un geste et des commentaires de mépris, alors qu'il est au moins aussi responsable que moi de ce gâchis.

Mon voisin, abonné à ce journal, me signalera que le gros titre est cité dans la revue de presse d'Europe 1....

Ce matin-là, je devais avoir trois heures de cours et une heure de répétition le midi. Je n'en assure qu'une dans une sorte de brouillard cotonneux, puis passe au secrétariat annoncer que je me mettais en arrêt, et ce pour longtemps.
Mon médecin me prolonge actuellement cet arrêt de quinze jours en quinze jours, jusqu'à la fin de l'année scolaire. J'ai pris un rendez-vous avec un psy. Il m'est pour l'instant impossible de remettre les pieds dans une salle de classe.

Il y a une chose qui me hante et que je ne me pardonne pas, une chose que je savais parfaitement avant de donner cette interview, c'est ce qui me tue le plus, mais je n'ai à aucun moment fait la relation entre les faits, mes propos et une exploitation possible dans une optique sensationnaliste, aveuglé par ?...mon malaise, ma colère, les deux ?... : le rédacteur en chef de ce torchon est l'ancien rédacteur en chef de Minute...lm-par-don-nable...
Le mardi 24, j'adresse un mail à mon inspectrice, qui me répond, on s'en doute, en des termes peu cordiaux. J'adresse également, nommément et en recommandé avec accusé de réception un courrier rectificatif à ce rédacteur en chef, en conformité avec l'article 13 alinéa 1 de la loi de 1881, dans lequel je remets les choses à leur place en assumant mes responsabilités, involontaires certes, et présente mes excuses publiques aux collègues et à la direction. Le courrier m'est revenu hier 15 avril : personne n'est venu le chercher...
Je rédige dans le même temps un courrier explicatif à mes collègues, que je demande à mon collègue et ami d'afficher en salle des profs. L'une de ces collègues me téléphonera pour m'assurer du soutien et de la compréhension de la plupart d'entre eux. Merci, Manu...
Ce collègue et ami m'avait appelé au téléphone le lundi 23 mars dans l'après-midi, et délivré le fin mot de l'histoire. La veille de parution de ce gros titre, donc le mercredi 18 Mars, le journal avait publié un article paraît-il flatteur sur la classe à horaires aménagés.
Une arrière-pensée politique animait donc ce rédacteur en chef, tendant à dissuader les parents de ces élèves « particuliers », généralement du centre ville, d'inscrire leurs enfants dans notre collège de Z.E.P., déjà réputé en ville comme étant le Bronx. J'avais donc été manipulé de A à Z, ne voyant que ma colère et ma révolte, ma sincérité, devant l'ignominie et la lâcheté, l'absence totale de soutien, si ce n'est la volonté de m'entasser volontairement. Engagements non respectés quant aux conditions de parution, gros titre putassier et article détruisant dans ses moindres fondements la volonté de mixité sociale, destruction de la volonté et de l'implication de notre inspectrice dans la création de cette classe, par ma faute et mon aveuglement, d'autant plus impardonnable chez un garçon de mon âge...

J'ai reçu la semaine dernière mon rapport d'inspection, dans lequel l'inspectrice écrit exactement tout l'inverse de ce qu'elle m'avait affirmé oralement: je suis descendu en flammes et en règle.. Je me mets à sa place. Elle-même a dû être convoquée chez le Recteur, si ce n'est directement au Ministère, et se faire sérieusement admonester, se faire remonter les bretelles comme on dit habituellement. Elle m'a donc répercuté cette engueulade, quitte à se renier, trouvant le moindre prétexte pour ne pas m'augmenter, si ce n'est pour baisser ma note, ce qui est le cadet de mes soucis. Je ne suis pas attaquable sous un autre angle, puisque j'ai respecté mon obligation de réserve dans cet article. Je n'ai insulté personne, rien remis en cause de manière agressive. Les mêmes propos que les tiens te dis-je...
Ce rapport me reste cependant en travers de la gorge .Dans l'autre collège où je suis en complément de service, tout se passe très bien avec les élèves, la direction, j'ai multiplié le nombre de participants à la chorale par cinq d'une année sur l'autre, à tel point que le chef de cet établissement me réclame pour plus d'heures l'an prochain, et qu'il m'a affirmé que « je détenais les bonnes clés dans mes relations avec les élèves », contrairement à ce qu'affirme l'inspectrice qui me trouve, elle, en situation de « décrochage ». Mais il est vrai qu'elle n'a pas pris la peine, elle, de décrocher son téléphone pour le contacter, lui...

Mon collègue et ami a pris sa décision : il a pris un an de disponibilité avant sa démission définitive dans un an. Il franchit le pas et devient prêtre.

Voilà. Tu voudras bien excuser la longueur de ce texte, et peut-être une certaine sinuosité dans l'enchaînement des événements et des dates, texte que, j'espère, tu auras eu la patience de lire jusqu'au bout.
Je t'ai entendu dire dans ton interview que tu te faisais la porte-parole des enseignants en souffrance, et nous sommes nombreux. Une question m'assaille. Quelle est la réaction de tes collègues, de ta hiérarchie administrative ou de discipline devant tes prises de position publiques, qui, je te le répète, sont exactement les mêmes que les miennes, mais dans un contexte radicalement différent ?
Tu as également affirmé, et j'en suis d'accord, qu'il faudrait faire quelque chose. J'en suis arrivé à l'idée de la création d'une espèce de collectif de défense des enseignants : seule la solidarité nous sauvera. Mais comment faire ? Et, pour le coup, cette fois, les ennuis sont à prévoir...
Nous ne sommes pas face aux élèves pour subir leurs foucades et autres caprices, nous n'avons pas à subir les catastrophiques résultats de l'idéologie de l'enfant-roi, nous ne sommes pas là pour risquer à chaque seconde l'agression verbale et/ou physique.

Nous sommes là pour, au mieux, transmettre une passion, une culture et une sensibilité dans ce monde de brutes, impliquant l'entièreté du corps et de l'esprit, au-delà ou en-dehors parfois de toutes les instructions officielles, au pire, appliquer des techniques plus ou moins bien maîtrisées acquises à l'I.U.F.M., de manière impersonnelle et déconnectée, en quelque sorte. Tu te doutes que ma position personnelle serait plutôt la première...
Lorsque le cours a été formidable, que j'ai obtenu, dans une complicité et une forme de fusion avec les élèves, exactement toutes les nuances que je désirais dans un chant, parvenant à un résultat qui me fait lever tous les poils du corps d'émotion, alors, c'est le bonheur, je lévite à trois pieds du sol, et je le dis aux élèves, et j'emploie alors ce mot bonheur devant eux, et je les en remercie.
Tu as mon adresse et mon numéro de téléphone, tu peux me contacter si tu le désires ou en ressens l'utilité. Il est temps que nous fassions bloc face à cette folie, qui consiste à tenter de nous détruire, par la remise en cause perpétuelle de notre fonction dans tous ses aspects au nom du ravageur politiquement correct. Il est vrai que nous ne sommes que des fonctionnaires ne « travaillant» que quinze à dix-huit heures par semaine, en vacances ou en arrêt de travail à perpétuité...
Trouve ici l'expression de mes salutations amicales et confraternelles.. .Et courage !....

Michel GENESTIN

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