Les enseignants qui officient dans les établissements scolaires classés en ZEP (zone d’éducation prioritaire) auraient le moral au ras des chaussettes, à en croire Charb. Et la salle des profs serait devenue leur ultime refuge dans ces banlieues difficiles et oubliées de tous. Alors le directeur de la publication de Charlie Hebdo a enfilé les rangers et coiffé le casque lourd. Puis il s’est risqué jusqu’a cette hypothétique cité scolaire Laurent-Ruquier entourée par les flammes. Rendu sur place après une progression que l’on imagine semblable à celle des convois humanitaires sur Sniper Alley durant le siège de Sarajevo, il a fini par atteindre ce sanctuaire et y a tendu l’oreille et le crayon à proximité de la machine à café qui confond régulièrement soupe au poireau et expresso.
Dans cette BD d’une cinquantaine de pages, il passe en revue – avec l’humour acéré qu’on lui connaît – les problèmes qui émaillent la vie quotidienne dans ce bahut. Les remplacements hasardeux par exemple. Le suppléant du prof de philo, ancien coiffeur, débarque tout droit de Pôle Emploi : normal, « comme les philosophes, on a l’habitude de couper les cheveux en quatre ! ». Car les vocations se font rares. « Les élèves disent qu’ils gagnent plus d’argent en vendant de la drogue que moi en enseignant », se lamente l’un d’eux. Et on ne vous parle pas de ceux qui recopient discrètement les antisèches sur le chargeur de la kalachnikov !
Le père de Maurice et Patapon fait de cette salle des profs un véritable camp retranché, où ceux qui viennent s’y mettre à l’abri n’ont plus le sentiment d’exercer le plus beau métier du monde. Les temps ont bien changé. « J’ai fêté mon entrée à la fac au champagne, c’était la première fois que j’en buvais. Maintenant, tous les mômes fêtent leur entrée en sixième à la coke ! », constate un soixante-huitard dépassé par les événements. Mais tout n’est peut-être pas perdu depuis qu’un ouvrage a disparu des rayons de la bibliothèque. « Ce n’était pas arrivé depuis 1992 ! Les élèves se remettent à lire, c’est génial ! » Enfin, le livre en question s’intitule Suicide, mode d’emploi et « c’est un prof qui l’a piqué »…
La salle des profs de Charb