Madame,
Je termine la lecture de votre ouvrage, Ces profs qu’on assassine.
Catholique convaincu, j’ai livré les témoignages suivants [voir la suite].
Je vous rejoins tout à fait : la hiérarchie de l’enseignement dit catholique est « poncepilatienne ».
De même d’ailleurs que mon syndicat, le SNEC-CFTC, où j’ai milité 40 ans.
Heureusement, il y a eu ma Foi, les collègues et les amis.
J’espère que votre livre éveillera enfin la conscience des responsables…
Je vous remercie d’avoir osé ce cri et je vous assure de toute mon estime.
Jean-Paul Verrier
1- Congrès du Snec-CFTC Nord, le 26 avril 2008 à Lille
COMMENT PREVENIR LA VIOLENCE
I - Les faits
Le 5 juin 2008, désespéré par le comportement odieux de deux classes, je décide de mettre fin à mes jours. Heureusement, la Providence veille et je suis admirablement soigné aux urgences de l’hôpital Saint Philibert à Lille.
II – Les causes
Moi, connu pour être un « battant », comment ai-je pu être « burn-out » ? Les élèves chahuteurs se sont crus tout permis : aucun conseil de discipline pour sanctionner les meneurs ! (et, après mon suicide, personne ne songera à faire prendre conscience aux élèves de leur responsabilité). Et puis certains parents soutiennent leur petit enfant-tyran (et inversent les rôles).
III – Les soutiens et l’indifférence
Si j’étais mort, sans doute la seule compassion de la hiérarchie aurait été de parler de suicide « pour raisons personnelles ». Alors qu’en réalité, il s’agit bien de raisons professionnelles. Si j’avais été soutenu en temps voulu, cela ne serait jamais arrivé.
Je salue par contre quelques collègues qui m’ont aidé discrètement avant que je ne craque.
A mon retour de l’hôpital, je reçois de nombreux témoignages de soutien et d’affection : collègues, membres de mon équipe paroissiale, amis, famille, le Snec-CFTC.
Cela compense un peu la non-intervention, la non-prévention et l’indifférence d’une partie de la hiérarchie au comportement que j’appelle « poncepilatien ».
IV – Conséquences
Quant à moi, défenseur acharné de la liberté scolaire au début des années Mitterrand, je tombe de haut, et j’en tire la conclusion que l’enseignement catholique n’existe plus. Je sors profondément amer, déçu. Qui ne le serait ?
V – Pour en finir avec la violence dans les établissements scolaires
Il y a différentes actions :
- Attribuer les moyens financiers pour avoir davantage de surveillants et généraliser la vidéosurveillance.
- Faire signer aux chefs d’établissement un contrat où ils s’engagent à soutenir activement les personnels soumis en permanence à des agressions verbales insupportables.
- Demander à ce que les responsables (aussi bien de l’éducation publique que de l’éducation privée) ne cherchent pas systématiquement à étouffer les cas d’agressions physiques ou verbales.
- Générer mises en garde et débats avec les élèves ainsi qu’avec les parents.
- Eviter que les chefs d’établissement ne deviennent des rois absolus en limitant leur durée dans le temps : un maximum de 9 ans par exemple.
VI – Conclusion : phénomène de société
Le suicide, dans les entreprises comme dans l’éducation, est encore trop souvent un sujet tabou, gênant.
Beaucoup de responsables ne savent pas comment réagir de façon tout simplement humaine !
En réalité, toute la société est concernée, parce que empoisonnée par l’idéologie de l’enfant-tyran d’une part, et par le laxisme des adultes d’autre part (laxus en latin signifie lâche !).
Il y a donc tout un travail d’information ( le Snec-CFDT a-t-il fait remonter ma mésaventure aux différentes instances de l’Education ? )
Et puis surtout il y a, à l’amont, tout un travail de prévention, de sensibilisation, d’éducation, pour rétablir les vérités et le simple bon sens quant à l’autorité et à la discipline.
Car partout des hommes politiques, des télévisions, des publicités, des messages internet.. poussent impunément à l’assassinat des valeurs morales. D’où, pour bien des jeunes aujourd’hui, la norme comportementale, c’est la moquerie, l’agressivité tous azimuts, le vandalisme.
Tout cela a forcément des répercussions sur les enseignants et les éducateurs. Et les enseignants, même les plus solides, finissent par « craquer ». C’est notre vie qui est en jeu, pas celle des élèves. Alors discuter, dialoguer avec les élèves, oui, mais cela ne veut pas dire laisser tout faire.
Disons le avec force. Même s’il n’est pas général à 100%, il y a quand même un profond malaise dans toute notre société. Il est temps, grand temps, d’en prendre conscience, et de prendre d’urgence les mesures de sauvegarde.
Jean-Paul Verrier pour le Congrès, SNEC-CFTC Nord du 26 avril 2008
2 – « Ô tempora, ô mores » (« Ô temps, ô mœurs »)
Traversons-nous une crise de civilisation ? Oui si j’en juge par mon expérience personnelle.
L’année 2006-2007 vit l’enseignant enthousiaste et passionné que j’étais depuis 35 ans sombrer dans un désespoir total.
Les causes sont tragiquement simples : les élèves sont de plus en plus insolents ! A la moindre remontrance, ils vous répondent d’un ton cinglant : « J’ai rien dit », « J’ai rien fait ». Et ceci est pour eux tout à fait naturel, répondant de la même façon à leurs parents.
Quand un enseignant se heurte à des « incivilités » (et le mot est bien pudique pour cacher la virulence de toute cette agressivité), et qu’il ne peut compter ni sur l’appui des parents, permissifs à outrance, ni sur le soutien du chef d’établissement, (ô hiérarchie « poncepilatienne » !), il ne peut que « craquer ».
Les pédagogues champions de l’angélisme et des théories mortifères de l’enfant-roi ne comprennent pas – ou ne veulent pas comprendre – ce cri de désespoir.
On parle, sans rire, des « risques du métier », on dit d’un ton faussement compatissant à un professeur : « Mais vous êtes trop consciencieux » (sous entendu : trop exigeant, donc provocant).
Si j’étais mort, sans doute serais-je passé pour un « dommage collatéral », victime d’un suicide « pour raisons personnelles » (ce qui n’est pas mon cas, c’est bien les défaillances du système d’éducation qui m’ont mis « burn-out »).
Si la vie d’un être humain n’était pas en jeu, il y aurait de quoi rire, mais… jaune ! Belle irresponsabilité des « responsables » qui jouent à l’autruche et qui veulent - surtout, surtout chut – ne pas faire de vagues.
A combien de pertes humaines a droit chaque rectorat ? Va-t-on laisser cette situation s’aggraver ? Combien de mots et de détresses humains faudra-t-il pour que la hiérarchie réagisse enfin et prenne les mesures pour sauvegarder les enseignants en danger ?
Un enseignant qui a eu de la « chance » ( ? ?) de survivre, et qui parle pour ceux qui n’en peuvent plus. Et… tant pis si cela dérange !
Jean-Paul Verrier