TEMOIGNAGE : le syndrome du Titanic II

Brimé et harcelé par certains responsables malveillants du Rectorat de Strasbourg, dont on sait les récentes dérives inquisitoriales (convocation sans motif explicite à une sorte de procès stalinien, menaces disciplinaires, brèves suppléances diverses dans des classes « difficiles », visite de contrôle médical à domicile quatre jours ouvrés seulement après mon 1er arrêt maladie de l’année), mais aussi lâché par la pusillanime présidente régionale du syndicat auquel j’adhère, et ce depuis la publication dans les Dernières Nouvelles d’Alsace, le 11 avril 2010, de ma lettre intitulée « L’image du lycée Jean-Monnet » (concernant le tir à blanc d’un élève sur son enseignante en plein cours), je souscris donc pleinement aux termes employés par Véronique Bouzou dans sa réaction de soutien : « Une missive qui signe la fin de l’omerta ? », sans partager, hélas, son généreux élan d’optimisme.

Me voici en effet devenu, malgré moi, la preuve vivante et souffrante qu’un individu peut certes atteindre le « mammouth » (ou le rhinocéros, si j’étais Bérenger), mais sans freiner sa course ravageuse, bien au contraire, tant qu’il n’aura pas « fait école ».

Fort néanmoins de l’appui encore officieux de divers acteurs intègres du système (un inspecteur, un proviseur, des parents et des collègues), j’appelle les internautes qui m’auront lu et se seront reconnus dans ma difficile prise de parole, voire dans mon combat, à les rejoindre par leurs messages d’encouragement et de soutien ou le récit des vexations dont ils ont eux-mêmes pu faire l’objet dans l’exercice de leur métier.

Mon adresse courriel leur est ouverte : maxime.stintzy@orange.fr

Je remercie déjà tous ceux qui sur la toile et ailleurs ont eu à cœur de faire écho à ma « missive » et je leur offre, en ma qualité de professeur de lettres toujours convaincu de sa haute mission (dénaturée par des instances qui se prétendent plus hautes encore), cette fable où je me plais à filer la métaphore, l’espérant lourde de sens.

LE SYNDROME DU TITANIC II

Un film catastrophe à moindre budget démonté par Maxime STINTZY

Au très clairvoyant Alain FINKIELKRAUT

Devenue un syndrome pour Nicolas Hulot l’an passé, cette sombre histoire avait trouvé son premier dénouement en pleine nuit, le 14 avril 1912.
Or une tardive loi d’orientation sans repères stables ne saurait pallier les insuffisances d’une navigation à vue, ni d’ailleurs la suffisance toute laïque des officiants supérieurs du mauvais bord, de ces maîtres à penser autoproclamés qui dans leur équipage désormais ne font pas de quartier, préférant encore aux ferments d’une juste mutinerie les barbares assauts des boucaniers.
Vue de mon petit hublot, celui du docteur embarqué (un docteur ès lettres, hélant le néant), depuis peu relégué à fond de cale, le Titanic, plutôt que le Mammouth, ce serait aujourd’hui l’Education Nationale, supposée voguer, dans son gigantisme fragile et pareillement condamné, à la pointe des sciences, des arts et du progrès…
Mais en fait de pointe, l’iceberg qui la fait s’abîmer, par aveuglement, excès de certitudes et manque de prévoyance, c’est, au fond, le bloc commun de l’ignorance et de la violence, dont seule la partie émergée affleure dans les médias et les rectorats.
Aux ponts inférieurs, bien « au centre » en effet, on trouve les élèves, qu’on laisse volontiers danser (sur les tables, faute de place effective) et s’amuser entre eux, mais auxquels on se garde bien de donner les clés de l’ascenseur social : c’est tellement plus cosy de palabrer entre soi… Pour préserver chez ces âmes à la mer la conscience nécessaire d’une illusoire flottaison, on les invite même à surfer avant que la toile virtuelle comme un filet dérivant sur leurs bancs en perdition ne se referme : c’est tellement plus jeune, plus festif, plus indolore aussi…Et tournée générale de Microsoft pour tout le monde ! En surpoids, la vue vacillante, les doigts gourds, le cerveau mal oxygéné, un passager de dernière classe coule beaucoup plus vite, sans faire de vagues…
Et puis il y a, trop loin au-dessus d’eux à présent, des professeurs, virtuoses ou non, qui jusqu’au naufrage ont le courage de jouer leur petite musique dans le tumulte ambiant et de ne pas s’arrêter pendant que le bateau par la proue s’enfonce, entre cris et débris, inexorablement.
Que penser alors du chef d’orchestre qui, muni pour unique instrument de sa dérisoire baguette (ce privilège dont il est maintenant le seul à pouvoir user), s’indignerait de quelques fausses notes ou d’une absence intermittente de mesure, quand tout bascule dans les ténèbres et que sa place lui a déjà été réservée sur le canot ?
S.O.S. donc, au sens le plus littéral, le plus national de ce signal qu’on ne veut plus entendre. Car ne faudrait-il pas, si l’on y consentait, d’urgence changer de cap ?

Pourtant, la préservation de la nature ne saurait s’accomplir à long terme sans celle de la culture. Du savoir autant que du savoir-faire. De nos racines autant que de leurs successives efflorescences. D’un être questionnant redevenu assez humble pour se dispenser de réponses toutes faites. Point d’écologie, ni de développement durable sans une école enfin digne à nouveau de son nom.

Mes livres

Les hussards noirs de la robotique

Génération Treillis

Je suis une prof réac et fière de l'être !

Ces profs qu'on assassine

L'Ecole dans les griffes du septième art

Le vrai visage de la téléréalité

Confessions d'une jeune prof