Les enseignants vont mal, à qui la faute ?

Voici le témoignage d'une jeune enseignante qui dénonce certaines défaillances du système éducatif que j'ai rapportées dans mon dernier livre : l'hypocrisie, la lâcheté, voire l'incompétence de certaines instances hiérarchiques de l'Education qui préfèrent s'en prendre aux professeurs en les accusant de tous les maux, en les méprisant et en les abandonnant à leur sort plutôt que de prendre leurs responsablités.
Les questions que soulève ma consoeur sont cruciales et des réponses existent : elles sont d'ordre éminemment politique, exclusivement politique... Encore faut-il que nos dirigeants fassent preuve de lucidité et de courage car il n'y a plus de temps à perdre en réunionnites ou bla-bla inutile. On ne pourra pas dire qu'on ne les avait pas prévenus !!!


Cela ne fait que trois ans que je suis enseignante dans le secondaire, et je n'arrive déjà plus à sourire à toutes ces blagues sur les fonctionnaires, et j'en ai assez de l'image que la plupart des médias et des politiciens donnent du corps enseignant. Si l'on écoute ces derniers, les enseignants sont payés à ne rien faire, ont beaucoup trop de vacances, et ont de surcroit la sécurité de l'emploi. Pourtant, ils osent faire régulièrement grève ! Quelle honte...! Quand la vérité sur les conditions de travail des enseignants sera-t-elle rétablie ? Je ne peux aujourd'hui plus me retenir d'en parler.

Être admis aux concours de l'enseignement n'est pas chose facile, notamment à cause des suppressions de postes. Cependant être admis au concours est loin, très loin, d'être le début de « la belle vie ». Dès la première affectation, le parcours du combattant commence. (...)

La formation, elle, reste très théorique et peu de conseils réellement pratiques et applicables sont donnés. (...) On y apprend que si un cours ne se passe pas bien ou si des élèves ont de mauvais résultats, c'est tout simplement parce que nos méthodes ne sont pas bonnes et que nous n'avons aucune personnalité ni aucun charisme. (...) Les phrases du type « il n'y a qu'à », « il suffit de », etc., entendues lors de ces formations deviennent vite irritantes. Elles restent toutefois des formes de pression que l'on retrouve ensuite au sein des établissements, véhiculées par les Rectorats et les chefs d'établissement, en résumé par des personnes qui n'ont jamais enseigné, ou n'ont pas enseigné depuis longtemps.

A cela s'ajoute la réalité du terrain. Les classes deviennent de plus en plus difficiles à gérer, pour de nombreuses raisons sur lesquelles je ne m'attarderai pas dans cet article. (...)
N'étant que rarement appuyés par les chefs d'établissement, les enseignants perdent vite toute crédibilité devant les élèves et leur autorité n'est absolument pas respectée. J'ai eu l'occasion d'enseigner dans un établissement ZEP. Lorsque je suis allée voir le chef d'établissement pour aborder le cas d'un élève de 4ème extrêmement irrespectueux et perturbateur, et que j'ai osé - quelle folie, enfin ! - lui faire part de mon intention d'exclure cet élève de mon cours afin de permettre aux autres élèves de travailler, il a désapprouvé et a dit préférer une sanction plus « globale » (un jour... Dieu seul sait quand.).

(...) Jusqu'à quand les enseignants devront-ils se laisser insulter ? Jusqu'à quand devront-ils accepter de voir leur rôle d'enseignant transformé en celui de gardien de zoo, voire de prison ? Et tout aussi grave : jusqu'à quand les élèves désirant travailler et progresser devront-ils perdre leur temps dans des cours qui n'ont ni queue ni tête parce que leurs professeurs ont reçu l'ordre de ne pas exclure les élèves perturbateurs ? Quel est l'objectif de toute cette politique en fin de compte ? J'avoue avoir du mal à le saisir.

Les pressions subies par les enseignants ne se limitent pas au domaine de la discipline. L'Éducation nationale est devenue une véritable entreprise dans laquelle il faut à tout prix faire du chiffre et de la rentabilité. Comme conséquences, je citerais notamment la quasi-disparition du redoublement car trop de redoublements feraient baisser les statistiques ; et le fait que de nombreux TZR (Titulaires sur Zone de Remplacement) enseignent parfois dans trois établissements à la fois pour pallier les absences de professeurs, mais également et surtout les économies de personnels de plus en plus grandes. (...)

Les humiliations et le harcèlement moral sont en effet courants dans l'Éducation nationale, même si cela reste bien entendu un sujet tabou. Ainsi, même des enseignants pourtant reconnus pour leur efficacité sont humiliés devant tous leurs collègues et sont qualifiés de « personnes inutiles, qui feraient mieux de démissionner » par des inspecteurs académiques (fait vécu).

Séverine, Normandie.

La la totalité de l'article sur le site de Education magazine.

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