lundi 19 juillet 2010, par Pierre Cassen
Riposte Laïque : Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs qui vous êtes, quel est votre parcours, et quelles sont les circonstances qui vous ont amenée à écrire ce livre "Ces profs qu’on assassine" ?
Véronique Bouzou : Après un passage dans les classes préparatoires littéraires (Hypokhâgne et Khâgne), j’ai passé le CAPES de Lettres Modernes et ai commencé à enseigner à 22 ans devant des élèves de Seconde, à peine moins âgés que moi.
Animée par le goût de la transmission, j’ai par ailleurs retiré une certaine aisance de mes nombreuses expériences dans l’animation et la direction de centres de vacances, ce qui m’a permis de me sentir très vite à l’aise devant des classes de trente adolescents.
C’est ainsi que depuis une douzaine d’années, j’enseigne le français dans des collèges - et ponctuellement des lycées - en région parisienne. J’ai choisi cette profession comme une véritable vocation et ai toujours preuve de dynamisme pour affronter les difficultés dans des établissements qualifiés par euphémisme de « sensibles ».
Parallèlement à mon métier d’enseignante, j’ai très vite ressenti le besoin d’écrire. Révoltée par les injustices de toutes sortes et par les aberrations d’un système éducatif défaillant, j’ai pris la plume pour raconter mon quotidien. Deux témoignages en ont découlé : Manuel de survie à l’usage d’un prof de banlieue aux éditions Le Manuscrit (2004) et Confessions d’une jeune prof aux éditions Bartillat (2005).
Puis, devant des élèves totalement happés par la télévision qui, en début d’année scolaire, me rapportaient leur désir de « devenir star », ce qui, à leurs yeux, signifiaient « passer à la télé », j’ai mené ma petite enquête et ai écrit un pamphlet sur les ravages de la téléréalité qui gangrène la télévision tout entière et contribue à décrédibiliser l’école et ses professeurs au profit des mirages de l’argent facile et d’une starisation illusoire. Les éditions de Jouvence basées en Suisse m’ont publiée et Le Vrai visage de la téléréalité a vu le jour en 2007.
Un an plus tard, le film Entre les murs remporte la Palme de d’or au festival de Cannes. Les médias font l’éloge de ce professeur démagogue qui se refuse à faire étudier Voltaire - trop difficile à ses yeux – à des élèves de banlieue. Mon sang ne fait qu’un tour. J’écris en quelques semaines L’École dans les griffes du septième art qui sera publié aux éditions de Paris en septembre 2008.
Enfin, depuis ces dernières années, j’ai constaté que de plus en plus de professeurs venaient travailler à reculons, la peur au ventre ; que nous autres enseignants étions livrés à nous-mêmes et bien peu soutenus par notre hiérarchie, que les élèves se sentant impunis prenaient de plus en plus de liberté vis-à-vis des professeurs vilipendés par les parents d’élèves et l’opinion publique en générale. J’ai voulu en savoir plus et ai recueilli des témoignages de professeurs en dépression soignés à l’hôpital psychiatrique de la Verrière situé dans les Yvelines, de médecins psychiatres, de responsables juridiques, de confrères et consœurs écœurés par un système ubuesque, par des proches d’enseignants qui s’étaient suicidés. J’ai souhaité faire entendre tous ces cris de colère et de douleur. J’ai rédigé les pages de Ces profs qu’on assassine et les éditions J-C Gawsewitch ont publié l’ouvrage en mai 2009. Mon livre commence et se clôt sur un suicide, le premier étant fictif, le second, bien trop réel. Ainsi s’achève pour moi le constat. Il est désormais grand temps d’agir.
Riposte Laïque : Vous parlez du « politiquement correct » très présent dans le monde enseignant. Pensez-vous que la majorité des enseignants soit sur cette position, ou qu’une majorité silencieuse se tait, mais n’en pense pas moins ?
Véronique Bouzou : La plupart des enseignants se situent « à gauche » sur l’échiquier politique. Les notions de fraternité, de solidarité, de tolérance nourrissent leurs discours. Certains d’entre eux font du « déni de réalité » quand ils ont affaire à des élèves issus de l’immigration violents et pourfendeurs des valeurs républicaines. En effet, ces professeurs craignent par-dessus tout d’être assimilés à des « racistes » ou des « fachos ». Ils trouvent alors des excuses exogènes aux incivilités, menaces et agressions dont ils sont témoins ou victimes. La pauvreté, selon eux, serait la cause de tous les maux. Ils revoient également leurs niveaux d’exigence à la baisse pour « acheter » la paix dans leurs classes.
D’autres - et selon moi, il s’agit bien de la majorité silencieuse - se taisent mais n’en pensent pas moins. La peur dicte leur mutisme. La peur et la lassitude. Absorbés dans leurs tâches quotidiennes, ils rentrent chez eux exténués et préfèrent s’évader par d’autres biais que celui de la révolte. Beaucoup d’entre eux s’adonnent alors à des activités artistiques, voyagent ou se consacrent à leur vie de famille. Ceux-là sont déçus par le Parti Socialiste et votent « écolo », « front de gauche »… mais le plus souvent, comme désormais la plupart des Français, ils préfèrent s’abstenir.
En ce qui me concerne, bien que je n’ai jamais été « encartée » politiquement, je me suis longtemps sentie proche de la gauche républicaine, laïque, proche des classes populaires et incarnée un temps par des personnalités comme Chevènement ou Bérégovoy. Aujourd’hui, le PS n’est plus qu’un nid de bobos - Delanoë à Paris en est la parfaite illustration - qui tente de séduire les minorités ethniques et religieuses au détriment de la grande majorité des Français. L’UMP ne vaut pas mieux : lutte inefficace contre l’insécurité, inauguration en grande pompe de mosquées….A croire que l’UMPS ne forme plus qu’une seule et même entité, constituée d’élites qui, par le jeu de l’alternance, se partagent les mêmes fauteuils depuis une trentaine d’années et n’ont absolument pas intérêt à ce que les choses changent en profondeur.
Parmi les personnalités politiques susceptibles de concourir à la présidentielle, celle qui me semble aujourd’hui la plus apte à rassembler des gens autour des valeurs républicaines, laïques et nationales, c’est Marine Le Pen. Faut-il rappeler qu’elle est la seule à avoir salué les résultats de la votation suisse sur l’interdiction des minarets ou à s’être indignée des Quick halal ?
A ceux qui ne manqueront pas de critiquer mes préférences politiques, je répondrai que, dans le cas où se présenterait le cas de figure d’un 21 avril à l’envers, je ne me verrais guère donner ma voix à un parti qui s’est abstenu de voter pour l’interdiction de la burqa dans tous les lieux publics. A l’heure où nos soldats se battent en Afghanistan contre des Talibans qui veulent imposer la charia, nous pourrions considérer cette abstention comme un acte de « haute trahison ». Il arrive dans l’Histoire que la résistance et les « collabos » ne soient pas toujours là où on le pense.
C’est pourquoi j’admire les esprits libres comme Albert Camus, l’homme révolté qui s’est fait des ennemis chez les communistes en dénonçant le stalinisme, Eliot Ness, l’incorruptible qui ne s’est jamais laissé acheter par Al Capone ou encore Cyrano de Bergerac, personnage d’Edmond Rostand, qui refuse de « grimper par ruse au lieu de s’élever par force » et clame haut et fort « Non, merci ! » quand il s’agit de perdre sa liberté et de se soumettre pour gagner un ersatz de tranquillité et de sécurité.
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Riposte Laïque : Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs qui vous êtes, quel est votre parcours, et quelles sont les circonstances qui vous ont amenée à écrire ce livre "Ces profs qu’on assassine" ?
Véronique Bouzou : Après un passage dans les classes préparatoires littéraires (Hypokhâgne et Khâgne), j’ai passé le CAPES de Lettres Modernes et ai commencé à enseigner à 22 ans devant des élèves de Seconde, à peine moins âgés que moi.
Animée par le goût de la transmission, j’ai par ailleurs retiré une certaine aisance de mes nombreuses expériences dans l’animation et la direction de centres de vacances, ce qui m’a permis de me sentir très vite à l’aise devant des classes de trente adolescents.
C’est ainsi que depuis une douzaine d’années, j’enseigne le français dans des collèges - et ponctuellement des lycées - en région parisienne. J’ai choisi cette profession comme une véritable vocation et ai toujours preuve de dynamisme pour affronter les difficultés dans des établissements qualifiés par euphémisme de « sensibles ».
Parallèlement à mon métier d’enseignante, j’ai très vite ressenti le besoin d’écrire. Révoltée par les injustices de toutes sortes et par les aberrations d’un système éducatif défaillant, j’ai pris la plume pour raconter mon quotidien. Deux témoignages en ont découlé : Manuel de survie à l’usage d’un prof de banlieue aux éditions Le Manuscrit (2004) et Confessions d’une jeune prof aux éditions Bartillat (2005).
Puis, devant des élèves totalement happés par la télévision qui, en début d’année scolaire, me rapportaient leur désir de « devenir star », ce qui, à leurs yeux, signifiaient « passer à la télé », j’ai mené ma petite enquête et ai écrit un pamphlet sur les ravages de la téléréalité qui gangrène la télévision tout entière et contribue à décrédibiliser l’école et ses professeurs au profit des mirages de l’argent facile et d’une starisation illusoire. Les éditions de Jouvence basées en Suisse m’ont publiée et Le Vrai visage de la téléréalité a vu le jour en 2007.
Un an plus tard, le film Entre les murs remporte la Palme de d’or au festival de Cannes. Les médias font l’éloge de ce professeur démagogue qui se refuse à faire étudier Voltaire - trop difficile à ses yeux – à des élèves de banlieue. Mon sang ne fait qu’un tour. J’écris en quelques semaines L’École dans les griffes du septième art qui sera publié aux éditions de Paris en septembre 2008.
Enfin, depuis ces dernières années, j’ai constaté que de plus en plus de professeurs venaient travailler à reculons, la peur au ventre ; que nous autres enseignants étions livrés à nous-mêmes et bien peu soutenus par notre hiérarchie, que les élèves se sentant impunis prenaient de plus en plus de liberté vis-à-vis des professeurs vilipendés par les parents d’élèves et l’opinion publique en générale. J’ai voulu en savoir plus et ai recueilli des témoignages de professeurs en dépression soignés à l’hôpital psychiatrique de la Verrière situé dans les Yvelines, de médecins psychiatres, de responsables juridiques, de confrères et consœurs écœurés par un système ubuesque, par des proches d’enseignants qui s’étaient suicidés. J’ai souhaité faire entendre tous ces cris de colère et de douleur. J’ai rédigé les pages de Ces profs qu’on assassine et les éditions J-C Gawsewitch ont publié l’ouvrage en mai 2009. Mon livre commence et se clôt sur un suicide, le premier étant fictif, le second, bien trop réel. Ainsi s’achève pour moi le constat. Il est désormais grand temps d’agir.
Riposte Laïque : Vous parlez du « politiquement correct » très présent dans le monde enseignant. Pensez-vous que la majorité des enseignants soit sur cette position, ou qu’une majorité silencieuse se tait, mais n’en pense pas moins ?
Véronique Bouzou : La plupart des enseignants se situent « à gauche » sur l’échiquier politique. Les notions de fraternité, de solidarité, de tolérance nourrissent leurs discours. Certains d’entre eux font du « déni de réalité » quand ils ont affaire à des élèves issus de l’immigration violents et pourfendeurs des valeurs républicaines. En effet, ces professeurs craignent par-dessus tout d’être assimilés à des « racistes » ou des « fachos ». Ils trouvent alors des excuses exogènes aux incivilités, menaces et agressions dont ils sont témoins ou victimes. La pauvreté, selon eux, serait la cause de tous les maux. Ils revoient également leurs niveaux d’exigence à la baisse pour « acheter » la paix dans leurs classes.
D’autres - et selon moi, il s’agit bien de la majorité silencieuse - se taisent mais n’en pensent pas moins. La peur dicte leur mutisme. La peur et la lassitude. Absorbés dans leurs tâches quotidiennes, ils rentrent chez eux exténués et préfèrent s’évader par d’autres biais que celui de la révolte. Beaucoup d’entre eux s’adonnent alors à des activités artistiques, voyagent ou se consacrent à leur vie de famille. Ceux-là sont déçus par le Parti Socialiste et votent « écolo », « front de gauche »… mais le plus souvent, comme désormais la plupart des Français, ils préfèrent s’abstenir.
En ce qui me concerne, bien que je n’ai jamais été « encartée » politiquement, je me suis longtemps sentie proche de la gauche républicaine, laïque, proche des classes populaires et incarnée un temps par des personnalités comme Chevènement ou Bérégovoy. Aujourd’hui, le PS n’est plus qu’un nid de bobos - Delanoë à Paris en est la parfaite illustration - qui tente de séduire les minorités ethniques et religieuses au détriment de la grande majorité des Français. L’UMP ne vaut pas mieux : lutte inefficace contre l’insécurité, inauguration en grande pompe de mosquées….A croire que l’UMPS ne forme plus qu’une seule et même entité, constituée d’élites qui, par le jeu de l’alternance, se partagent les mêmes fauteuils depuis une trentaine d’années et n’ont absolument pas intérêt à ce que les choses changent en profondeur.
Parmi les personnalités politiques susceptibles de concourir à la présidentielle, celle qui me semble aujourd’hui la plus apte à rassembler des gens autour des valeurs républicaines, laïques et nationales, c’est Marine Le Pen. Faut-il rappeler qu’elle est la seule à avoir salué les résultats de la votation suisse sur l’interdiction des minarets ou à s’être indignée des Quick halal ?
A ceux qui ne manqueront pas de critiquer mes préférences politiques, je répondrai que, dans le cas où se présenterait le cas de figure d’un 21 avril à l’envers, je ne me verrais guère donner ma voix à un parti qui s’est abstenu de voter pour l’interdiction de la burqa dans tous les lieux publics. A l’heure où nos soldats se battent en Afghanistan contre des Talibans qui veulent imposer la charia, nous pourrions considérer cette abstention comme un acte de « haute trahison ». Il arrive dans l’Histoire que la résistance et les « collabos » ne soient pas toujours là où on le pense.
C’est pourquoi j’admire les esprits libres comme Albert Camus, l’homme révolté qui s’est fait des ennemis chez les communistes en dénonçant le stalinisme, Eliot Ness, l’incorruptible qui ne s’est jamais laissé acheter par Al Capone ou encore Cyrano de Bergerac, personnage d’Edmond Rostand, qui refuse de « grimper par ruse au lieu de s’élever par force » et clame haut et fort « Non, merci ! » quand il s’agit de perdre sa liberté et de se soumettre pour gagner un ersatz de tranquillité et de sécurité.
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